PELNI : La Croisière S’Amuse... version Indo (par FRED)

Depuis bien des années, les eaux chaudes de l’archipel indonésien sont sillonnées par les ferries de la PELNI, une compagnie maritime qui n’est aujourd’hui plus très concurrentielle du fait du développement du transport aérien à bas prix. Même si les avions indonésiens ne sont pas très sûrs, la plupart des gens qui voyagent d’une île à l’autre préfèrent économiser un temps conséquent quitte à payer seulement quelques milliers de rupiah supplémentaires.


La PELNI divise les voyageurs occidentaux.

Pour certains, un voyage à bord des bateaux de la PELNI serait très vite épuisant pour les nerfs. Les touristes y seraient harcelés, bombardés de questions inintéressantes et répétitives relatives à leur emploi, leur situation familiale, leur religion… par des types certes sympathiques mais relativement limités tout de même, et pas seulement en anglais. Si l’on ajoute à cela l’insécurité, le confort sommaire des classes économiques ou au contraire le prix très élevé des cabines individuelles, il est évident que selon ces touristes grincheux il vaut mieux boycotter la PELNI et voyager uniquement en avion.

Pour d’autres, au contraire, les trajets en mer, qui durent souvent plusieurs jours, seraient une occasion unique de découvrir le vrai visage de l’Indonésie et d’aller à la rencontre de son peuple, réputé pour être l’un des plus amicaux du monde chez les globe-trotters qui ont suffisamment d’éléments de comparaison en main pour se prononcer sur cette question. De plus, les ferries de la PELNI présenteraient l’avantage non négligeable en cette période pré-apocalyptique d’être des moyens de transport moins polluants que les avions.


Pour avoir voyagé à plusieurs reprises sur les bateaux de la PELNI entre Java et Bornéo, d’abord par curiosité puis par obligation (je faisais commerce de vêtements entre les deux îles et transportais des sacs de cinquante kilos de marchandises), je dois dire que même si mon cœur balance du côté des arguments humanistes des pro-PELNI, les touristes désagréables cités plus haut n’ont pas forcément complètement tort : les conditions de voyage dans les ponts inférieurs sont en effet assez éprouvantes.

Promiscuité, bousculades, hygiène douteuse, combines et corruption, les navires de la PELNI concentrent toutes les tares de l’Indonésie d’aujourd’hui.

Dès le début de l’embarquement, les passagers agissent comme si le bateau menaçait de les laisser à quai. Hommes, femmes, vieillards et enfants se ruent à l’assaut des passerelles. La mêlée qui s’ensuit est sauvage. Les chutes et les blessures légères sont fréquentes. Parfois, un gros moustachu chargé de la sécurité et posté au pied de la passerelle matraque au hasard tous ces braves gens pour leur apprendre à se tenir correctement. Étonnement, lorsqu’ils prennent un coup, la plupart d’entre eux rigolent. La bousculade, spécialité locale si l’on en croit les incidents fréquents lors de concerts de rock ou lors du pèlerinage à la Mecque (des centaines de morts chaque année, généralement des Indonésiens ou des Philippins), peut suivre son cours dans la bonne humeur.

Une fois à bord, il faut trouver une place dans la cohue générale. Les plus prisées des Indonésiens sont situées juste en face des télés qui fonctionnent non-stop de 6 heures du matin jusqu’à minuit à plein volume. Et c’est quelque chose la télé là-bas ! Les programmes médiocres (amoncellement des ordures télévisuelles occidentales et de sitcoms locaux) sont entrecoupés toutes les cinq minutes (montre en main !) de longs spots publicitaires d’une débilité peu commune. Parfois, une même publicité peut-être diffusée trois fois de suite !

Normalement, chaque passager dispose d’un matelas recouvert de simili cuir. Mais les hommes d’équipage les moins scrupuleux ont la fâcheuse tendance de les cacher pour les redistribuer contre un paiement supplémentaire : inutile, dans ce cas, de prévenir 50 millions de consommateurs, il faut faire preuve d’un peu de culot et de débrouillardise ou à défaut s’acquitter de la surtaxe demandée.

Lorsque que tout le monde est plus ou moins installé, alors même que le bateau est encore à quai, tous les mâles se mettent à fumer comme des sapeurs en dépit de l’interdiction. Evidemment, les hublots ne s’ouvrent pas. Certains d’entre eux, une clope à la main, viennent amicalement s’asseoir à vos côtés pour faire connaissance, vous soufflant par là même leur fumée de cigarette au visage.

Puis, dès que le navire s’ébranle, des centaines de blattes et de cafards surgissent des parois trouées par la rouille et cavalent dans toutes les directions y compris sur les passagers. La menace d’être écrasés, brûlés par les cigarettes ou balayées d’une pichenette n’effraie pas ces sympathiques animaux. On conseillera donc au néophyte de ne pas oublier, avant de s’endormir, de s’enfoncer des cotons dans les oreilles pour éviter qu’une petite blatte ne s’égare dans ses conduits auditifs.

Quelques heures plus tard, la haute mer. Les WC sont déjà bouchés et les salles d’eau inondées. Des passagers bedonnants et fortement moustachus urinent avec satisfaction à même le sol avant d’y jeter leurs mégots. L’odeur est infecte. A chaque roulis du bateau l’eau qui inonde le sol des salles de bains vient fouetter le rebord des portes d’accès et déborde jusque dans les grandes salles où s’entassent les passagers.

Les repas, servis à 5 h, 12 h, 16 h, sont à la hauteur de la propreté des toilettes. Un peu de riz blanc, un bout de poisson (priez pour n’avoir ni la queue ni la tête) et trois légumes non identifiés sont servis sur un plateau métallique qui rappellera à certains les cantines scolaires, à d’autres la prison. Heureusement, il est possible de corrompre le cuistot et de se faire servir des repas plus conséquents. Passez par la porte arrière et tendez un billet de 5000 rupiah par plateau.

Mais messieurs, si vous voyagez accompagnés, veillez à ne pas passer trop de temps à négocier en cuisine, car pendant ce temps, votre amie ou votre femme risque bien d’être importunée par des officiers sûrs de leur charme. Persuadés que continuer le voyage dans la cabine du capitaine constitue pour n’importe laquelle des passagères une offre irrésistible, d’autant que la maison offre à la clé de superbes échantillons de parfum, ces moustachus de luxe tout de blanc vêtus poursuivent leur cour, et votre compagne risque d’avoir bien du mal à s’en défaire. Mais d’ailleurs, cette coquine voulait-elle vraiment chasser ces magnifiques marins virils comme elle le prétendra par la suite ? La vue de ces moustaches finement taillées ne lui a t’elle pas rappelé ô combien elle s’était égarée en choisissant de se lover dans les bras d’un étranger ?


Quant aux compagnons de voyage, il n’y a lieu ni de les diaboliser, ni de les idéaliser. Certes, les rencontres sont faciles en Indonésie, et les gens sont très chaleureux, beaucoup plus souriants qu’en France, mais ces liens qui se créent sont parfois très superficiels. De plus, comme partout, le pays comporte son lot d’abrutis, de beaufs et de salopards finis. Simplement, il faut une certaine maîtrise de la langue et quelque connaissance des usages locaux pour les identifier.

Pour le reste, les voyageurs occidentaux anti-PELNI font preuve de bien peu de faculté d’adaptation en se refusant à comprendre que les questions que les Indonésiens assènent aux touristes sont avant tout un témoignage de l’intérêt qu’ils leur portent. Ces questions sont avant toute chose destinées à être retournées à celui qui les émet (« Oui je suis marié, et toi ? »), cela afin d’engager la conversation. Évidemment, certains interlocuteurs sont plus intéressants que d’autres. Mais ceux que cette pratique sociale insupporte peuvent aussi tout à fait l’éviter… en restant chez eux, à Paris ou à Marseille, ou en voyageant, à la limite, comme des richards, enfermés à double tour dans leur cabine première classe.

FRED

3 comments:

Anonymous said...

Super post ! J'ai retrouvé toute la saveur indonésienne en te lisant. Merci !

Anonymous said...

Yep, merci de faire vivre le blog!.. Mr j. ; )

Anonymous said...

Yep, merci de faire vivre le blog!.. Mr j. ; )